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La guerre d’Indochine (1946-1954)

🗓️ 27/12/2025 · 28:56 · 👁️‍🗨️ 4 vues -

Peu connue du grand public, la guerre d’Indochine (1946-1954) est pourtant une page majeure de l’histoire coloniale et militaire française. Opposant l’armée française aux indépendantistes vietnamiens dirigés par le Viet Minh de Hô Chi Minh, ce conflit marque le début du déclin de l’empire colonial français. Il s’achève sur une défaite humiliante à Diên Biên Phu, prélude à l’implication américaine dans la région. Retour sur cette guerre complexe, où s’entremêlent luttes de libération, enjeux géopolitiques et mémoires oubliées.

L’Indochine française : un empire colonial sous tension

Une colonie stratégique

L’Indochine française, composée du Vietnam, du Laos et du Cambodge, est colonisée progressivement par la France entre 1858 et 1893. Véritable joyau de l’Empire colonial, la région est exploitée pour ses ressources agricoles, minières et sa position stratégique en Asie du Sud-Est.

Mais dès les années 1930, des mouvements nationalistes émergent, notamment sous l’influence du communisme. Hô Chi Minh fonde en 1941 la Ligue pour l’indépendance du Vietnam (le Viet Minh), organisation qui jouera un rôle central dans la guerre à venir.

L’impact de la Seconde Guerre mondiale

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Japon occupe l’Indochine tout en maintenant une façade d’administration française sous Vichy. À la Libération, en 1945, les Japonais capitulent et laissent un vide de pouvoir. Hô Chi Minh en profite pour proclamer l’indépendance du Vietnam en septembre 1945 à Hanoï, citant même la Déclaration d’indépendance des États-Unis.

Mais la France entend rétablir sa souveraineté dans la région. Les négociations échouent rapidement et les armes parlent dès 1946.

Le déclenchement de la guerre en 1946

L'échec du compromis

Un accord précaire signé en mars 1946 entre la France et Hô Chi Minh promet une certaine autonomie au Vietnam, mais les désaccords sur les modalités de mise en œuvre dégénèrent. En novembre 1946, l’armée française bombarde le port de Haïphong, faisant des milliers de morts vietnamiens. C’est le point de non-retour : le Viet Minh entre en guerre.

Deux visions du monde s’affrontent

Pour la France, il s’agit de restaurer l’autorité coloniale. Pour le Viet Minh, c’est une guerre de libération nationale. Très vite, le conflit prend une tournure idéologique : les États-Unis soutiennent la France dans le contexte de la guerre froide, tandis que la Chine communiste de Mao et l’URSS soutiennent le Viet Minh.

Une guerre asymétrique et éprouvante

La guérilla contre l’armée coloniale

Le Viet Minh mène une guerre de guérilla dans les montagnes et les rizières, usant de tactiques d’embuscade, de tunnels et de déplacements rapides. Face à lui, l’armée française, bien équipée mais mal préparée à ce type de conflit, peine à contrôler les zones rurales.

L’usage intensif des troupes coloniales (Sénégalais, Marocains, Algériens, Cambodgiens…) devient une constante. Mais le moral est bas et la fatigue s’installe.

Une guerre coûteuse et impopulaire

La guerre d’Indochine est l’une des plus coûteuses de l’histoire militaire française du XXe siècle. Entre 1946 et 1954, elle aurait coûté plus de 500 000 soldats engagés, dont près de 100 000 morts (toutes nationalités confondues).

En métropole, l’opinion publique se désintéresse du conflit, qui reste largement censuré dans les médias. Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale et l’instabilité politique de la IVe République accentuent le désengagement populaire.

La bataille de Diên Biên Phu : le tournant décisif

L’ultime pari militaire

En 1953, le général Navarre tente de piéger le Viet Minh en installant un camp retranché à Diên Biên Phu, dans le nord du Vietnam. L’idée : attirer les forces ennemies dans une bataille frontale.

Mais le Viet Minh, dirigé par le général Giap, encercle la vallée et transporte à dos d’homme de l’artillerie lourde dans les montagnes. Du 13 mars au 7 mai 1954, la bataille fait rage.

Une défaite cinglante

Le 7 mai 1954, les troupes françaises se rendent après 56 jours de combats. C’est une humiliation nationale. Diên Biên Phu devient le symbole de la fin d’un empire. La presse internationale, choquée par la défaite d’une puissance occidentale face à un mouvement de libération asiatique, y voit un signal fort du basculement du monde.

Les accords de Genève et la fin du conflit

Le partage du Vietnam

En juillet 1954, les accords de Genève mettent fin à la guerre. Ils prévoient la partition provisoire du Vietnam au 17e parallèle : le Nord sous contrôle communiste, le Sud sous administration non-communiste soutenue par les États-Unis. Des élections sont prévues mais ne seront jamais organisées.

La France se retire d’Indochine, laissant place à l’implication croissante des Américains, prélude à la guerre du Vietnam.

L’abandon du rêve colonial

La guerre d’Indochine marque le début du démantèlement de l’empire colonial français, qui se poursuivra avec la guerre d’Algérie (1954-1962). Elle a brisé l’illusion d’une reconquête possible et nourri un sentiment de malaise dans l’armée comme dans la société.

Une guerre oubliée mais fondatrice

La guerre d’Indochine a été longtemps absente des manuels scolaires, éclipsée par la guerre d’Algérie ou la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, elle a façonné la fin du colonialisme français et l’histoire contemporaine du Vietnam.

Elle révèle aussi la difficulté pour une puissance occidentale d’affronter des mouvements nationalistes soutenus par une population déterminée et des idéologies nouvelles. Enfin, elle pose la question de la mémoire : comment intégrer un conflit aussi douloureux dans le récit national ?