Les Romanov : une dynastie de trois siècles
La dynastie des Romanov accède au pouvoir en 1613 avec Michel Ier. Elle s’installe durablement sur le trône de Russie et façonne l’empire en l'étendant de l’Europe de l’Est jusqu’à l’Extrême-Orient.
Parmi ses figures emblématiques, on trouve :
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Pierre le Grand, modernisateur de la Russie,
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Catherine II, impératrice des Lumières,
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Alexandre II, le tsar réformateur.
Mais en 1894, lorsque Nicolas II monte sur le trône, l’empire est déjà fragilisé. Son règne sera marqué par des guerres désastreuses, une industrialisation inégale, et une déconnexion croissante entre la cour et le peuple.
Un règne de plus en plus contesté
Le début du XXe siècle est une période de bouleversements sociaux et politiques. En 1905, une première révolution secoue le régime. Le tsar concède une Douma (parlement), mais sans réel pouvoir.
Pendant ce temps :
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La pauvreté rurale persiste,
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Les ouvriers s’organisent en syndicats,
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Les mouvements marxistes gagnent du terrain.
La situation empire avec l’entrée de la Russie dans la Première Guerre mondiale. Le pays subit de lourdes pertes, l’économie s’effondre, et la colère gronde contre un tsar jugé incompétent.
Rasputine, scandales et perte de légitimité
La tsarine Alexandra, d’origine allemande, est de plus en plus impopulaire, notamment en raison de son amitié avec Raspoutine, un moine mystique qui semble exercer une influence néfaste sur la famille impériale.
Le peuple murmure que le tsar est sous l’emprise d’un charlatan, que la Russie est gouvernée par les caprices de la cour et que les Romanov ont perdu leur lien sacré avec le peuple.
La légitimité monarchique s'effondre.
Février 1917 : la chute de l’Empire
En février 1917, la révolution éclate à Petrograd. Le peuple affamé et les soldats épuisés se révoltent. Nicolas II abdique le 15 mars 1917. La monarchie s'effondre, remplacée par un gouvernement provisoire dirigé par Alexandre Kerenski.
La famille Romanov est alors assignée à résidence, d'abord au palais Alexandre, puis à Tobolsk en Sibérie, avant d’être transférée à Ekaterinbourg, dans la maison Ipatiev. La révolution d'Octobre, quelques mois plus tard, porte Lénine et les bolcheviks au pouvoir.
Le contexte de l’assassinat : entre guerre civile et peur de la restauration
En 1918, la Russie est plongée dans une guerre civile féroce entre les bolcheviks (Rouges) et les forces contre-révolutionnaires (Blancs). Ces dernières se rapprochent d'Ekaterinbourg, où la famille impériale est détenue.
Craignant que les Romanov ne deviennent un symbole de ralliement pour leurs ennemis, le Sovnarkom (Conseil des Commissaires du Peuple) et le commissaire Iakov Sverdlov auraient donné l'ordre d'exécuter toute la famille.
La nuit du 16 au 17 juillet 1918 : l'exécution
Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918, la famille Romanov est réveillée sous prétexte d’un transfert imminent. On leur demande de descendre au sous-sol de la maison Ipatiev. Le tsar, la tsarine, leurs cinq enfants (Olga, Tatiana, Maria, Anastasia et Alexis) ainsi que quatre fidèles (dont le médecin Botkine) sont alignés sous un faux prétexte.
Un peloton d’exécution composé de soldats bolcheviks, dirigé par Iakov Iourovski, fait alors feu. L’exécution est brutale, chaotique, prolongée par les vêtements de certaines grandes-duchesses tapissés de diamants qui ont amorti les balles. Les enfants finissent à la baïonnette. Les corps sont ensuite brûlés, démembrés et enterrés à la hâte dans une fosse anonyme.
Une dissimulation puis des révélations
Pendant des décennies, le régime soviétique dissimule l’assassinat ou évoque une "disparition". Ce n’est qu’après la chute de l’URSS, en 1991, que les restes de la famille impériale sont découverts et authentifiés grâce à l’ADN.
En 2000, l’Église orthodoxe russe canonise les Romanov comme martyrs. En 2008, la justice russe les réhabilite officiellement comme victimes d’une répression politique illégale.
Le mystère autour d’Anastasia, l’éventuelle survivante, inspirera des légendes, des livres, des films, jusqu’à ce que les analyses ADN confirment que toute la famille avait bien péri cette nuit-là.
Héritage et mémoire d’une tragédie impériale
L'assassinat des Romanov reste un traumatisme historique majeur en Russie. Il symbolise la fin violente d’un monde ancien, balayé par la révolution, la haine sociale et la soif de vengeance.
Aujourd’hui, la maison Ipatiev a disparu, remplacée par la Cathédrale-sur-le-Sang, érigée en hommage aux martyrs. Chaque année, des pèlerins russes parcourent les lieux de leur dernier voyage.
Cet événement soulève encore des débats entre nostalgie monarchiste, condamnation des violences révolutionnaires et réflexion sur la mémoire collective d’un pays aux blessures profondes.
Une nuit qui a changé le destin de la Russie
La mort des Romanov n’est pas seulement la fin d’une famille : elle est le symbole sanglant du basculement d’une époque, le point de rupture entre l’Ancien Monde et le XXe siècle. Dans l’ombre de cette nuit tragique, ce ne sont pas que des vies royales qui s’éteignent, mais une certaine idée de la Russie impériale, définitivement engloutie par la tourmente révolutionnaire.