Le 18 juillet 1925, Adolf Hitler publie le premier volume de Mein Kampf (« Mon combat »), un ouvrage idéologique qui deviendra la pierre angulaire du nazisme
Une genèse en prison : le putsch raté de Munich
L’échec du coup d’État du 9 novembre 1923 En 1923, Adolf Hitler, leader du parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), tente un coup d’État en Bavière : le putsch de la Brasserie (Hitlerputsch). L’opération tourne court, et Hitler est arrêté. Jugé pour haute trahison, il est condamné à cinq ans de prison, mais ne purgera que neuf mois à la prison de Landsberg am Lech.
Rédaction de Mein Kampf C’est dans cette cellule, aidé de son fidèle acolyte Rudolf Hess, qu’Hitler commence à dicter les grandes lignes de Mein Kampf. L’ouvrage est rédigé dans un style brouillon, mélangeant souvenirs personnels, diatribes haineuses et propositions politiques. Hitler entend s’adresser au peuple allemand, mais aussi à ses partisans, afin de donner une cohérence idéologique à son mouvement. Il y développe notamment l’idée que l’Allemagne a été trahie de l’intérieur durant la Première Guerre mondiale, par les Juifs et les marxistes – un mythe infondé mais central dans sa propagande.
Contenu idéologique : les piliers du nazisme
Un nationalisme extrême Hitler prône une Allemagne forte, unie et débarrassée des « éléments étrangers ». Il rejette le traité de Versailles, qu’il qualifie de diktat honteux, et appelle à la reconquête territoriale, notamment à l’Est, dans ce qu’il nomme l’espace vital (Lebensraum). Il réclame une expansion vers la Russie, qu’il accuse d’être dominée par le bolchévisme juif.
Un antisémitisme obsessionnel Au cœur de Mein Kampf se trouve une haine viscérale des Juifs, présentés comme responsables de tous les maux : défaite militaire, crise économique, déclin culturel. Hitler y écrit notamment : « Le Juif n’est qu’un parasite dans le corps des autres peuples. » Ce langage déshumanisant préfigure les lois raciales de Nuremberg (1935) et la solution finale mise en œuvre à partir de 1941.
La critique de la démocratie et l’appel à la dictature Hitler rejette le parlementarisme, qu’il juge inefficace et corrompu. Il appelle à la formation d’un État autoritaire, fondé sur le culte du chef (Führerprinzip), seul capable de guider la nation. Il glorifie la discipline, le combat, la force, et méprise l’égalité et la tolérance, qu’il assimile à de la faiblesse.
Réception et diffusion : un succès croissant
Un impact initial limité Lors de sa première parution, Mein Kampf ne rencontre pas un grand succès. Le premier volume est publié le 18 juillet 1925, le second en 1926. Les critiques sont sévères, même parmi les nationalistes. Le style lourd, confus, et les idées extrêmes limitent sa portée. En 1928, seuls 23 000 exemplaires sont vendus. Mais avec l’ascension politique du NSDAP, les ventes explosent. Dès 1933, Hitler devenu chancelier, Mein Kampf devient un outil de propagande.
Une diffusion massive sous le Troisième Reich L’ouvrage est alors imposé dans toutes les bibliothèques publiques, offert aux jeunes mariés, aux soldats, aux fonctionnaires. Il est traduit en plusieurs langues. On estime à plus de 12 millions le nombre d’exemplaires diffusés jusqu’en 1945. Le livre devient ainsi un instrument d’endoctrinement de masse, largement utilisé par la propagande nazie dirigée par Joseph Goebbels.
Mein Kampf, matrice du désastre
Un programme appliqué point par point Ce qui rend Mein Kampf si effrayant, c’est que Hitler a mis en œuvre, presque méthodiquement, les idées qu’il y exprime. La conquête de l’Europe de l’Est, la destruction du marxisme, la suppression des libertés, l’élimination des Juifs d’Europe : tout était déjà écrit. Les historiens comme Ian Kershaw et Joachim Fest soulignent que ce texte n’était pas une simple provocation, mais un manifeste programmatique.
Un avertissement ignoré Nombre de lecteurs de l’époque, en Allemagne comme à l’étranger, minimisent la portée réelle de l’ouvrage. Beaucoup pensent que les outrances de langage relèvent d’un style rhétorique, ou que Hitler n’aura jamais les moyens de réaliser ses projets. Winston Churchill écrira plus tard : « Jamais un livre n’a mieux annoncé le désastre à venir. »
Le sort du livre après 1945
Interdiction et droits d’auteur Après la défaite de l’Allemagne nazie, les droits de Mein Kampf sont confiés au Land de Bavière, qui interdit toute réédition. Le livre disparaît des librairies pendant plusieurs décennies, bien qu’il circule sous le manteau ou à l’étranger.
Rééditions critiques et débats En 2016, à l’expiration des droits, une édition scientifique annotée est publiée par l’Institut d’Histoire contemporaine de Munich (IfZ). Ce travail monumental de plus de 2 000 pages replace chaque phrase dans son contexte historique, déconstruit les erreurs factuelles et les logiques manipulatrices. L’objectif : ne pas laisser le terrain aux extrémistes, mais enseigner et comprendre pour mieux prévenir.