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Henri Lafont : le parrain de la Gestapo et l’homme de la Carlingue

🗓️ 21/11/2025 · 👁️‍🗨️ 6 vues

Henri Lafont : le parrain de la Gestapo française et l’homme de la Carlingue

Pendant l’Occupation allemande de la France, la collaboration prit de multiples formes. Certaines furent politiques, d’autres idéologiques, et certaines, comme celle d’Henri Lafont, plongèrent dans les bas-fonds du crime organisé. À la tête de la tristement célèbre "Carlingue", cette Gestapo française bâtie sur un réseau de truands, Lafont régna sur un empire de terreur, mêlant enrichissement personnel, répression politique et criminalité. Portrait d’un homme qui incarne l’une des faces les plus troubles de la France occupée.

Une jeunesse délinquante : de la rue à la prison

Un parcours marqué par le crime

Henri Lafont, de son vrai nom Henri Chamberlin, naît en 1902 dans une famille modeste. Très tôt, il fréquente les milieux de la délinquance à Paris. Voleur, escroc, braqueur, il accumule les condamnations. En prison, il croise des figures du grand banditisme et commence à bâtir son propre réseau.

Il change de nom et se fait appeler « Lafont », un pseudonyme qui deviendra tristement célèbre. À sa sortie, il fréquente les milieux interlopes du Paris de l’entre-deux-guerres, où se croisent truands, policiers corrompus et agents de renseignement.

L’Occupation : l’opportunité du crime organisé

Le pacte avec l’ennemi

Lorsque les Allemands occupent Paris en 1940, Lafont voit une opportunité : mettre son réseau criminel au service des nazis. Il entre rapidement en contact avec la Gestapo, notamment avec l’officier SS Helmut Knochen. C’est ainsi que naît la Carlingue, surnom donné à la « Gestapo française ».

Lafont recrute autour de lui des anciens bagnards, des voyous, des collabos et des agents doubles. Ensemble, ils mettent en place un système parallèle au service des Allemands : arrestations de résistants, pillages, tortures, rackets et assassinats.

La Carlingue, machine de répression

Installée au 93 rue Lauriston à Paris, la Carlingue devient un lieu de terreur. Les résistants y sont torturés, les familles juives spoliées, les opposants pourchassés. Mais le réseau Lafont ne se contente pas d’exécuter les ordres nazis : il s’enrichit considérablement.

Des fortunes sont faites en vendant des passeports, en pillant des appartements « aryanisés », ou en faisant chanter de riches bourgeois. On parle d’un véritable « gang d’État », bénéficiant de la protection allemande.

"Avec Lafont, c’est la pègre qui a fait alliance avec le pouvoir." — Emmanuel Faux, historien

Un homme entre luxe, violence et duplicité

Le « gangster officiel » du régime

Henri Lafont vit dans l’opulence : voitures de luxe, appartements cossus, fêtes somptueuses avec champagne, femmes et opium. Il fréquente le tout-Paris collabo et mène grand train. Il se lie aussi avec d’autres figures de la Collaboration comme Pierre Bonny, ancien policier déchu devenu son bras droit.

Une image de seigneur noir

Les témoignages parlent d’un homme charismatique mais terrifiant, capable de séduire un jour et de faire torturer le lendemain. La Carlingue devient une institution officieuse, crainte même par certains Allemands.

Lafont se donne une image de protecteur de l’ordre, prétendant lutter contre le communisme et les "traîtres à la nation", tout en se livrant à un pillage organisé du pays.

Chute et exécution : la fin d’un règne de terreur

La débâcle et l’arrestation

À l’approche de la Libération, Lafont et son réseau tentent de fuir. Certains membres de la Carlingue sont lynchés ou arrêtés. Henri Lafont est capturé en août 1944 alors qu’il tente de se replier vers l’Allemagne. Son procès, très médiatisé, a lieu en 1945.

Le procès de l’indignité

Jugé pour intelligence avec l’ennemi, meurtres, tortures et pillages, Lafont ne manifeste aucun remords. Il est condamné à mort avec Pierre Bonny. Le 26 décembre 1944, ils sont fusillés au fort de Montrouge.

Le nom d’Henri Lafont reste associé à une forme unique de collaboration : celle où le crime, l’intérêt personnel et la violence brute se substituent à toute idéologie.

Un symbole de la Collaboration criminelle

Henri Lafont incarne une facette bien particulière de l’Occupation : celle où la frontière entre politique, criminalité et collaboration se brouille. À la différence de nombreux collaborateurs motivés par l’idéologie fasciste ou antisémite, Lafont était avant tout un opportuniste. Pour lui, l’Occupation fut un terrain propice au crime, couvert par l’autorité allemande.

Son histoire est aussi un avertissement : elle rappelle comment les circonstances historiques peuvent permettre à des individus sans scrupules de prendre le pouvoir, en exploitant la peur, la guerre et la désorganisation.

Une mémoire sulfureuse mais essentielle

Si Henri Lafont est aujourd’hui peu connu du grand public, son nom revient régulièrement dans les travaux d’historiens et dans la littérature sur la Collaboration. Son parcours dérange, car il montre que le mal peut prendre le visage du profit et de la brutalité, sans même revêtir le masque de l’idéologie.

Étudier son parcours, c’est explorer l’une des pages les plus sombres de la France des années 1940, là où la morale, la loi et la justice étaient étouffées par l’opportunisme, la peur et la barbarie.