Les débuts modestes d’un enfant de Toulon
Né dans une famille modeste, Jules Muraire grandit dans les rues populaires de Toulon. Fils d’un boulanger, il quitte l’école à 13 ans pour travailler et aider sa famille. Mais très tôt, une passion l’anime : celle de la scène. Il fréquente les cabarets, imite les grands comédiens et se fait remarquer par son talent naturel pour la comédie.
À ses débuts, il adopte le pseudonyme de Raimu, un anagramme presque parfait de Muraire, qui deviendra célèbre dans toute la France. Il monte à Paris et fréquente le monde du music-hall, où il se produit dans des numéros comiques.
Une ascension grâce au théâtre et au talent brut
Raimu se forge une réputation grâce à son jeu puissant et nuancé, entre humour et gravité. Il se fait remarquer par des artistes comme Sacha Guitry, qui l’intègre à plusieurs de ses pièces.
Mais c’est surtout sa rencontre avec Marcel Pagnol, dans les années 1920, qui marque un tournant décisif dans sa carrière. Ensemble, ils donneront naissance à l’une des œuvres les plus emblématiques du théâtre français : la trilogie marseillaise.
César, un rôle gravé dans l’éternité
En 1929, Raimu incarne César dans la pièce Marius, premier volet de la trilogie de Pagnol. Ce personnage de père bougon mais aimant, patron du Bar de la Marine, devient un archétype du Français du Midi, à la fois caricatural et profondément humain.
Le succès est tel que les pièces sont adaptées au cinéma : Marius (1931), Fanny (1932), César (1936). Dans ces films, Raimu livre des performances inoubliables, entre rire tonitruant et émotion contenue, qui captivent le public.
Pagnol dira de lui :
« C’était un génie. Un acteur immense. Raimu, c’est la vérité même. »
Une carrière marquée par la diversité et la reconnaissance
Au-delà de la trilogie, Raimu tourne dans de nombreux films à succès :
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La Femme du boulanger (1938), encore sous la direction de Pagnol, où il incarne un homme trompé par sa femme mais profondément humain.
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Les Inconnus dans la maison (1942), d'après Simenon, où il montre l’étendue de son registre dramatique.
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Le Bienfaiteur (1942), comédie de Christian-Jaque, confirmant son statut d’acteur populaire.
Raimu est aussi reconnu par ses pairs : en 1943, il devient sociétaire de la Comédie-Française, une distinction rare pour un acteur venu du théâtre de boulevard et du cinéma.
Un artiste aimé du public et respecté des grands noms
Raimu fascine autant les spectateurs que ses contemporains. Il est l’un des rares acteurs à avoir été admiré aussi bien par les gens du peuple que par des intellectuels comme Jean Cocteau ou André Gide.
Cocteau disait de lui :
« Il faut voir jouer Raimu pour comprendre ce qu’est le théâtre. »
Sa popularité tient à la sincérité de son jeu, à son accent chantant du Sud, à sa capacité à faire rire et pleurer dans une même scène.
Une disparition brutale qui attriste toute une nation
Raimu meurt brutalement le 20 septembre 1946, à l’âge de 62 ans, des suites d’une opération bénigne (amygdalectomie) ayant mal tourné. Sa disparition provoque une immense émotion nationale. Des milliers de personnes assistent à ses obsèques à Paris, avant que son corps ne soit rapatrié à Toulon.
Son ami Marcel Pagnol écrira ces mots bouleversants :
« J’ai perdu non seulement un acteur, mais un frère. Raimu, c’était la Provence incarnée. »
Un héritage vivant dans la mémoire collective
Aujourd’hui encore, Raimu demeure une figure emblématique du théâtre et du cinéma français. Son visage, ses répliques, son jeu habité restent dans la mémoire collective. Des écoles, des rues, des théâtres portent son nom à Toulon et ailleurs.
En 1983, pour le centenaire de sa naissance, une statue de bronze à son effigie a été inaugurée devant l’Opéra de Toulon. Le Musée Raimu, fondé par sa petite-fille à Marignane, entretient également la mémoire de son œuvre.
Raimu, l’âme du théâtre populaire français
Raimu n’était pas seulement un comédien : il était la voix du peuple, le cœur de la Provence, le souffle du théâtre vivant. À travers ses rôles, il a su faire passer les émotions les plus intimes avec une vérité désarmante. Il reste une figure tutélaire pour les acteurs d’aujourd’hui, un modèle d’authenticité et de génie comique.