Un contexte en pleine mutation pour le cinéma américain
L’avènement du cinéma parlant À la fin des années 1920, Hollywood est en pleine effervescence. Le cinéma muet tire sa révérence après deux décennies de domination. En 1927, la sortie de The Jazz Singer marque le début du cinéma parlant, révolutionnant l’industrie. Le public découvre des films avec des dialogues, et les studios, en pleine expansion, investissent massivement dans cette nouvelle technologie. L’Académie, fondée en 1927, souhaite valoriser ces évolutions et les artistes qui les incarnent.
La fondation de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences C’est Louis B. Mayer, patron de la MGM, qui initie la création de l’Academy avec un double objectif : promouvoir une meilleure entente entre les différents corps de métier du cinéma, mais aussi prévenir la syndicalisation des professionnels. Il confie à Douglas Fairbanks, grande star de l’époque, la présidence de la toute jeune institution. C’est sous son impulsion que naît l’idée de récompenser les meilleurs films, acteurs et techniciens de l’année.
Une première cérémonie sobre mais fondatrice
Un dîner privé dans un hôtel mythique La première remise des Oscars n’a rien du faste auquel nous sommes habitués aujourd’hui. Elle réunit environ 270 personnes dans la salle Blossom de l’hôtel Roosevelt à Hollywood Boulevard. Le ticket d’entrée coûte 5 dollars. La cérémonie dure seulement 15 minutes. Pas de suspense : les gagnants sont connus depuis trois mois, publiés dans la presse.
Les premiers lauréats de l’histoire du cinéma Le film Wings (Les Ailes) de William A. Wellman est sacré Meilleur Film. Ce drame aérien de la Première Guerre mondiale est salué pour ses effets spéciaux novateurs. L’acteur Emil Jannings reçoit le premier Oscar du Meilleur Acteur pour ses rôles dans The Last Command et The Way of All Flesh. La Meilleure Actrice est Janet Gaynor, récompensée pour trois films à la fois – une situation inédite.
Des catégories disparues ou modifiées En 1929, il existe des catégories aujourd’hui oubliées, comme celle de la “Meilleure réalisation artistique” ou du “Meilleur film humoristique”. Seules 12 récompenses sont attribuées. La cérémonie se veut concise, mais jette les bases d’un système de reconnaissance appelé à grandir.
Une influence durable sur l’industrie du cinéma
L’essor d’une vitrine mondiale pour le cinéma américain Les Oscars deviendront rapidement un outil d’influence et de soft power pour les États-Unis. Dans les décennies suivantes, les studios redoublent d’efforts pour produire des œuvres susceptibles de séduire l’Académie. Le prestige des statuettes dorées ouvre des portes à l’international et booste les carrières. La cérémonie s’internationalise peu à peu, intégrant des films étrangers dans ses sélections.
Anecdotes et évolutions marquantes Parmi les faits marquants, citons Hattie McDaniel, première actrice noire à remporter un Oscar en 1940 pour Autant en emporte le vent. Ou encore Marlon Brando, qui refuse son prix en 1973 pour protester contre le traitement des Amérindiens. Les Oscars deviennent ainsi une tribune artistique et politique. L’Académie adapte régulièrement ses règles : le vote, le nombre de membres, la diversité, les catégories évoluent. En 2009, le nombre de films nommés en Meilleur Film passe de 5 à 10, signe de l’ouverture à des œuvres plus variées.
Ce que les Oscars nous disent de notre rapport au cinéma
Une histoire de reconnaissance et de stratégie Derrière l’éclat des robes et des discours émouvants, les Oscars sont aussi une affaire de lobbying et de campagnes millimétrées. Les studios organisent des projections, envoient des cadeaux aux votants, soignent leur image. Le “Oscar buzz” devient un enjeu majeur dès l’automne. L’idée de “film à Oscar” entre dans le langage courant, avec ses codes : biopics, grandes fresques historiques, drames intimes.
Une popularité toujours vivace malgré les critiques Bien que régulièrement critiquée pour son manque de diversité ou certaines injustices de palmarès, la cérémonie reste un rendez-vous culturel incontournable. En 2024, près de 20 millions de téléspectateurs ont suivi la retransmission. Les Oscars inspirent des remakes internationaux (César, BAFTA, Goya, etc.) et restent un miroir des valeurs et des tendances du cinéma mondial.
Une soirée de mai qui a changé le destin d’Hollywood La soirée du 16 mai 1929 n’a duré que quelques minutes, mais son héritage perdure depuis près d’un siècle. Ce premier dîner discret est devenu une institution planétaire, révélant des talents, marquant des générations, et reflétant les évolutions de notre société à travers le prisme du cinéma. Les Oscars ne sont pas seulement des prix : ce sont les témoins d’une histoire artistique en mouvement.