Le contexte des Jeux Olympiques de Berlin 1936
Une vitrine pour le régime nazi Les Jeux Olympiques d’été de 1936 sont organisés à Berlin, sous le régime d’Adolf Hitler. Il s'agit d'une opportunité en or pour le dictateur nazi de montrer au monde la puissance retrouvée de l’Allemagne. Le pays sort du Traité de Versailles et cherche à imposer sa vision du monde fondée sur le racisme, l'antisémitisme et le culte du corps aryen. La propagande nazie, orchestrée par Joseph Goebbels, transforme les JO en une vitrine parfaite : stades monumentaux, organisation impeccable, cérémonies grandioses. La cinéaste Leni Riefenstahl est même chargée de filmer les Jeux pour en faire un documentaire, Les Dieux du stade, monument de propagande visuelle.
L’espoir américain : Jesse Owens Dans cette ambiance tendue, arrive Jesse Owens, jeune sprinteur noir américain de 22 ans. Né dans une famille pauvre de l’Alabama et élevé dans l'Ohio, Owens s'est distingué par ses performances exceptionnelles sur les pistes. Il est vu comme un outsider face aux ambitions hégémoniques du régime nazi. Le 4 août 1936 : une victoire historique au saut en longueurUn duel symbolique Ce jour-là, Jesse Owens participe à l’épreuve du saut en longueur. Après avoir remporté l’or au 100 mètres, tous les regards sont tournés vers lui. Il est opposé à Luz Long, athlète allemand blond aux traits "aryens", favori local et représentant idéalisé du régime. Lors des qualifications, Owens échoue à deux reprises. Il lui reste un seul essai. C’est alors que Luz Long, dans un geste qui fera date, lui donne un conseil : prendre une marge plus en arrière pour ne pas être disqualifié. Owens suit le conseil, se qualifie, puis remporte l’épreuve en finale avec un saut de 8,06 mètres, établissant un record olympique.
Le refus de la poignée de main : mythe ou réalité ? L’un des épisodes les plus débattus de ce jour est l’attitude d’Adolf Hitler. Selon une légende tenace, Hitler aurait refusé de serrer la main à Jesse Owens, humilié par la victoire d’un Noir sur ses athlètes "aryens". En réalité, Hitler avait quitté le stade plus tôt et, selon les règles du CIO, avait été sommé de saluer tous les vainqueurs ou aucun. Il choisit de ne plus saluer aucun athlète à partir de ce moment.Pour sa part, Jesse Owens déclara plus tard : « Hitler ne m’a pas snobé. C’est FDR [Franklin D. Roosevelt] qui l’a fait. Le président ne m’a jamais envoyé de télégramme de félicitations. »
L’amitié entre Jesse Owens et Luz Long Une fraternité au-delà de la propagande Le geste de Luz Long ne passe pas inaperçu. Malgré les risques, l’Allemand n’hésite pas à féliciter Owens publiquement, à marcher bras dessus bras dessous avec lui sous les yeux du Führer. Cet acte de sportivité pure fait le tour du monde. Après la guerre, Owens racontera que Luz Long lui avait écrit des lettres, jusqu’à sa mort survenue en 1943 en Sicile. Une preuve que la dignité humaine et la solidarité peuvent triompher des idéologies les plus sombres.
L’impact politique et culturel de la victoire de Jesse Owens Un camouflet pour le régime nazi En remportant quatre médailles d’or (100 m, 200 m, saut en longueur, relais 4 × 100 m), Jesse Owens démolit la doctrine nazie de la supériorité raciale. L’impact est immense. La presse internationale titre sur l’exploit d’un homme noir dans une Allemagne qui prône l'exclusion et la haine raciale.Une reconnaissance tardive aux États-Unis Ironie du sort, Jesse Owens, de retour aux États-Unis, n’est pas traité en héros. Il doit prendre un ascenseur de service pour entrer dans un hôtel lors d’une cérémonie en son honneur. L’Amérique ségrégationniste n’est pas prête à célébrer un héros noir. Ce n’est qu’en 1976 que le président Gerald Ford lui remet la Médaille présidentielle de la liberté, plus haute distinction civile américaine. En 1990, George H. W. Bush lui accorde, à titre posthume, la Médaille d’or du Congrès.