La Bulgarie au cœur des Balkans : une histoire mouvementée
Une domination ottomane pluriséculaire Depuis la fin du XIVe siècle, la Bulgarie est intégrée à l’Empire ottoman. Pendant près de cinq siècles, les Bulgares vivent sous une domination étrangère, avec des périodes de relative autonomie suivies de répressions. Le XIXe siècle voit naître un fort mouvement national bulgare, inspiré des révolutions européennes et soutenu par la Russie orthodoxe.
La guerre russo-turque et le traité de San Stefano En 1877-1878, la guerre russo-turque débouche sur une victoire décisive de la Russie. Le traité de San Stefano (3 mars 1878) prévoit la création d’une grande Bulgarie autonome, sous suzeraineté ottomane mais administrée par les Bulgares. Toutefois, ce traité est immédiatement contesté par les puissances européennes, notamment l’Empire austro-hongrois et le Royaume-Uni.
Le traité de Berlin : retour à une autonomie restreinte Le Congrès de Berlin (juin-juillet 1878) révise le traité de San Stefano : la Bulgarie devient une principauté autonome mais réduite, placée sous suzeraineté ottomane. La Roumélie orientale reste sous contrôle direct ottoman. La frustration bulgare grandit, alimentant un désir croissant d’unité nationale et d’indépendance réelle.
Le contexte international favorable de 1908
Un Empire ottoman affaibli En 1908, l’Empire ottoman est en crise. La révolution des Jeunes-Turcs, qui éclate en juillet, affaiblit davantage l’autorité du sultan Abdulhamid II. Dans ce climat d’instabilité politique, plusieurs provinces ottomanes profitent de l’occasion pour faire avancer leur autonomie.
L’Autriche-Hongrie et la Bosnie-Herzégovine L’Autriche-Hongrie profite de la même conjoncture pour annexer formellement la Bosnie-Herzégovine, qu’elle occupait depuis 1878. Cet acte bouleverse l’équilibre des Balkans et donne un précédent diplomatique à la Bulgarie, qui saisit sa chance d’agir à son tour.
Le 22 septembre 1908 : une proclamation historique
La déclaration à Tarnovo Le prince Ferdinand de Bulgarie choisit la ville historique de Tarnovo pour proclamer solennellement l’indépendance du pays. Il se fait couronner roi (tsar) des Bulgares, renouant symboliquement avec l’héritage médiéval du Second Empire bulgare. La déclaration est accueillie avec enthousiasme par la population.
Une indépendance sans guerre Fait notable : l’indépendance bulgare se fait sans effusion de sang. L’Empire ottoman, affaibli, ne réagit pas militairement. La Bulgarie paie toutefois une indemnité financière pour obtenir une reconnaissance officielle. En quelques mois, les grandes puissances reconnaissent le nouvel État souverain.
Les conséquences géopolitiques de l’indépendance
Un royaume ambitieux Avec Ferdinand Ier comme roi, la Bulgarie devient un acteur majeur des Balkans. Elle modernise son armée et affirme ses revendications territoriales, notamment en Macédoine. Cette politique expansionniste mènera à la participation du pays aux guerres balkaniques (1912–1913) et à la Première Guerre mondiale.
Une source de tensions régionales L’indépendance de la Bulgarie, combinée à l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, accroît les tensions entre les grandes puissances, notamment entre l’Autriche-Hongrie et la Russie. Ces événements contribuent indirectement à la montée des antagonismes qui mèneront à la Première Guerre mondiale.
Une étape clé vers l’émancipation des Balkans Le 22 septembre 1908 reste une date symbolique de l’émancipation nationale en Bulgarie. Elle incarne la volonté d’un peuple à se libérer d’une domination séculaire et à s’affirmer sur la scène internationale. Cette indépendance, obtenue dans un contexte de jeu diplomatique complexe, marque une étape décisive dans la recomposition politique des Balkans au début du XXe siècle.